mardi 5 janvier 2016

Comment apprécier la tardiveté d’une offre de réintégration d’une femme enceinte licenciée ?

Dans un arrêt récent (15 décembre 2015), la cour de cassation précise que le juge doit apprécier le caractère tardif de la décision de réintégrer une salariée enceinte au regard de la date de connaissance par l'employeur de cet état.

Selon l’article L1225-4 du code du travail, il n’est pas interdit à un employeur de rompre le contrat de travail d’une femme en état de grossesse. L’employeur devra, cependant, justifier d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement.

Si l’employeur a licencié une femme enceinte dans la méconnaissance de son état, le licenciement est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter du jour où la notification du licenciement a été effectivement portée à la connaissance de la salariée (et non à partir du jour de son envoi), l'intéressée lui envoie un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte (Article L1225-5). L'envoi du certificat médical est une condition essentielle pour obtenir l'annulation de la rupture. L'employeur doit informer la salariée que son licenciement est annulé et lui proposer une réintégration dès qu'il prend connaissance de sa grossesse (Cass. soc. 7-7-1988 n° 86-45.256).
Si l’employeur tenu d’une obligation de réintégration manque à son obligation, il devra verser des dommages et intérêts au profit du bénéficiaire, en plus de l'indemnité de licenciement. Si, de plus, le licenciement est nul, l'employeur devra verser le montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité (Article L1225-71).

La cour de cassation avait déjà jugé qu’était trop tardive l'offre de réintégration parvenue à la salariée un mois et demi après la notification à l'employeur de son état (Cass. soc., 9 juillet 2008, n° 07.41927 ), dans l’affaire jugée en décembre (Cass.soc., 15 décembre 2015, n°14-10522) , elle précise à quel moment se placer pour juger du caractère tardif.

L’affaire

Licenciée pour motif économique le 20 mai 2009, une chef de projet avise son employeur, par lettre recommandée du 4 juin 2009, qu'elle est enceinte et lui demande de lui communiquer quelles sont les modalités de sa réintégration dans l'entreprise. Elle saisit les prud’hommes le 17 juillet, or par courrier du 16 juillet 2009, reçu le 20 du même mois, l’employeur lui notifie sa réintégration.

La cour d’appel considère comme tardive la proposition de réintégration faite à la salariée (16 juillet) pendant son préavis, soit un mois et demi après la notification de la grossesse. Pour l’employeur une offre de réintégration faite pendant la période de délai-préavis ne saurait être considérée comme tardive, le point de départ de l'appréciation de la tardiveté du délai étant l'expiration du délai-congé.

La décision

Confirmant la position de la cour d’appel, la cour de cassation considère que la « tardiveté » de la décision de réintégration doit s’apprécier, non pas à partir de la date de l’expiration du préavis, mais à la date de la connaissance par l’employeur de l’état de grossesse soit à la date de réception du certificat de grossesse. « Mais attendu que lorsqu'une salariée, en application de l'article L. 1225-5 du code du travail, notifie à l'employeur son état de grossesse, de sorte que le licenciement est annulé, le juge doit apprécier le caractère tardif de la décision de réintégrer cette salariée au regard de la date de connaissance par l'employeur de cet état ; Et attendu que le moyen, sans portée en sa deuxième branche visant un motif surabondant, ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine, par les juges du fond, du caractère tardif de la décision de l'employeur, notifiée par courrier recommandé du 16 juillet 2009, de réintégrer la salariée ; ».
En l'espèce, la salariée, qui n'est pas tenue d'accepter la réintégration proposée, a droit, outre les indemnités de rupture et une indemnité au moins égale à six mois de salaire réparant intégralement le préjudice subi résultant du caractère illicite du licenciement, aux salaires qu'elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité .



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